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Pierres de fées (2)

‍Extraits du livre “Pierres de Fées” de Jean-Paul Drolet


‍Ces pierres communément appelées «concrétions» se présentent généralement en petites masses rondes ou sous la forme de disques plats et concentriques de diamètre varié dont la juxtaposition forme des mosaïques. Quelques unes rappellent les oeuvres d’artistes contemporains — telles les petites sculptures d’allure monumentale de Henry Moore, Max Ernst, Alberto Giacometti, Lynn Chadwick ou les oeuvres «pop art» de Claes Oldenburg. 


‍On remarque même une certaine analogie avec les sculptures esquimaudes (inuit). Des spécimens ronds ou sans configuration particulière adhèrent à des fragments de roches dans des endroits peu profonds des masses d’eau où l’on trouve aussi des amas de petites sphères ovoïdes ou en forme d’anneaux minuscules. Le diamètre des concrétions circulaires varie entre 5 et 15 cm, alors que d’autres ont une forme plus allongée allant jusqu’à 35 cm (14 pouces). 


‍Constituées de sable fin et de limon consolidé par un ciment calcaire (carbonate de calcium), ces pierres et l’originalité de leurs formes sont un phénomène commun dans le nord québécois, particulièrement sur le fond des grands lacs d’origine glaciaire. 


‍La face supérieure des concrétions est ordinairement lisse et régulière alors que la face inférieure est souvent rugueuse avec des boursouflures sphériques. Les lignes irrégulières sur certaines pièces sont dues aux traces laissées par de minuscules vers ou des débris organiques qui ont été fossilisés au cours de milliers d’années, comme si la terre avait voulu les garder en mémoire dans son grand ordinateur géologique. 


‍Ces concrétions se trouvent dans des dépôts meubles du Quaternaire où elles furent mises en place dans des étendues d’eau ayant occupé les dépressions lors du recul du front glaciaire; subséquemment elles ont été charriées par les cours d’eau et déposées au bord des lacs et rivières. 


‍Bien que l’on connaisse peu des facteurs déterminants de leur formation, l’on croit que ces concrétions se sont développées dans une couche perméable à l’intérieur du dépôt où l’eau suintait et circulait lentement. Chargée de gaz carbonique, l’eau de percolation aurait dissout du calcaire détritique et l’aurait concentré pour ensuite le déposer, donnant ainsi naissance aux concrétions. 


‍Il est facile d’imaginer que la découverte de ces pierres dont les formes suggèrent souvent des figures anthropomorphes ou zoomorphes stylisées — mère et enfant ou encore des petits animaux, oiseaux, grenouilles, rongeurs — ont vite intrigué les habitants de ces régions nordiques en se prêtant à toutes sortes d’explications fantaisistes. Les Amérindiens les appelaient «pierres de fées» et arboraient souvent les petites pierres comme porte-bonheur au cours des expéditions de pêche et de chasse alors que les amoureux offraient les plus belles aux élues de leur coeur. Les plus grands spécimens occupaient une place d’honneur dans les maisons où, selon la légende, ces pierres assuraient la protections contre les mauvais esprits en plus d’apporter santé et prospérité aux occupants des lieux. 


‍Bien qu’on ait peu d’assurance quant au pouvoir mystérieux de ces pierres de fées ou concrétions, elles n’en demeurent pas moins une intrigue pour le géo scientifique et une curiosité pour le collectionneur de spécimens minéraux intéressé à l’art au naturel.